36

– Quelqu’un a téléphoné pour toi, dit-elle.

– Qui ?

– Il n’a pas dit son nom.

– On aurait dit qui ? demanda-t-il. Un de mes amis ?

– Je n’en sais rien. Comment veux-tu que je le sache ? Mais il a demandé à te parler, et quand j’ai répondu que tu étais absent, il a dit se rappeler que tu l’avais informé d’un déplacement dans le Connecticut.

– Quoi ?

– Il ne fallait dire à personne où tu allais !

– Mais je ne l’ai dit à personne !

– Alors comment il le sait ? Tu en as forcément parlé à quelqu’un. Je ne peux pas croire que tu aies été aussi stupide.

Elle semblait très en colère contre lui.

– Mais puisque je te dis que je ne l’ai dit à personne !

Il avait l’impression d’avoir six ans lorsqu’elle lui parlait ainsi.

– Bon, dans ce cas, comment il le saurait ?

– Je ne sais pas. Est-ce que le téléphone signalait d’où venait l’appel ? Ça affichait un numéro ?

– Non. Il a dit qu’il te connaissait par le golf.

– Le golf ? Mais je ne joue pas au golf.

– C’est ce que je lui ai répondu, dit-elle. Que tu ne jouais pas au golf.

– Tu sais quoi, maman ? C’était peut-être qu’une simple erreur de numéro, quelque chose comme ça.

– Il a demandé après toi. Il a dit Jeremy. C’était clair et net. Tu as peut-être simplement mentionné à quelqu’un en passant, comme ça, que tu partais.

– Écoute, maman, même si je l’avais fait, ce qui n’est pas le cas, ce n’est pas la peine d’en faire toute une histoire.

– Ça me contrarie, c’est tout.

– Ne sois pas contrariée. En plus, je vais rentrer.

– C’est vrai ?

Elle avait totalement changé de ton.

– Oui. Aujourd’hui, je pense. J’ai fait tout ce que je devais faire ici, il ne reste plus que… tu vois ce que je veux dire.

– Je ne veux pas rater ça. Tu ne peux pas savoir avec quelle impatience j’attends ça, depuis le temps.

– Si je pars bientôt, reprit-il, je pense pouvoir être à la maison ce soir, mais assez tard. On est déjà en début d’après-midi, et j’ai parfois un coup de pompe, alors il se pourrait que je fasse un arrêt vers Utica, par là, mais je ferai le trajet dans la journée.

– Ça me laisse le temps de te préparer un gâteau à la carotte, répliqua-t-elle gaiement. Je le cuirai cet après-midi.

– D’accord.

– Conduis prudemment. Je ne veux pas que tu t’endormes au volant. Tu n’as jamais eu la même endurance que ton père.

– Comment il va ?

– Je pense que si on finit cette semaine, il aura le temps de voir le résultat de tout ça. Je serai contente quand tout sera enfin terminé. Tu sais ce que ça coûte, un taxi pour aller le voir ?

– Ça n’aura bientôt plus d’importance, maman.

– Je ne te parle pas que de l’argent, tu le sais bien. J’ai réfléchi à la façon dont il faudra le faire. On aura besoin de corde, tu sais. Ou de cet adhésif épais. Et, à mon avis, ce serait plus logique de commencer par la mère. La petite ne nous posera aucun problème après. Je pourrai t’aider. Je ne suis pas tout à fait inutile, tu sais.